Le jour où j’ai réappris à vivre

Il y a un an jour pour jour, mon fils est né.
Et il y a un an jour pour jour, je suis née de nouveau…

En fait, entre le moment où j’ai compris qu’il fallait que je me batte pour devenir mère et le jour où mon fils a poussé son premier cri en cette fin février 2017, j’étais l’ombre de moi-même.

Vivre en société, alors que je rêvais d’exil, loin de la souffrance de l’infertilité, était devenu mon pire cauchemar.
Faire bonne figure.
Au travail, lors d’évènements familiaux, c’était mon mot d’ordre.

Je me cachais derrière un sourire de façade, une fausse joie de vivre.
Une fois, j’ai même entendu «Ce qui est bien avec Anaëlle, c’est qu’elle a toujours le sourire!»… – «Ohlala si tu savais..!», je répondais alors intérieurement.

Chaque sortie prévue apportait son lot d’appréhensions: «Celui qui me touche le ventre en me demandant ce qu’on attend ou celle qui me nargue en me parlant de ses gosses à tout va, je lui rentre dedans!».
Oui bah j’ai beau être douce et gentille, ça n’empêche que j’ai mon p’tit caractère, ceux qui me connaissent bien en font parfois les frais. Je ne me laisse pas faire!
A chaque phrase-cliché, à chaque remarque déplacée, à chaque sottise dite, je tentais de garder mon calme alors que ma tête bouillonnait.
Mon coeur battait alors la chamade mais je prenais mon ton le plus apaisé pour répondre un peu sèchement mais de façon assez compréhensible pour qu’on me laisse tranquille.

Désormais, c’est moi qui fais attention à ce que je dis et comment je le dis suivant la personne à laquelle je m’adresse.
Si je vois un couple marié sans enfant, je prends soin de ne pas les heurter d’une quelconque manière, au cas où ils seraient confrontés à cette épreuve (on ne peut pas deviner, ce n’est pas marqué sur leur visage!).
En même temps j’ai toujours été ainsi, empathique et guidée par ma devise «Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse».

Avant ce 28 février 2017, le jour de la naissance de Dan, je triais plus ou moins mes amis et je me renfermais dans mon cocon, à l’abri des regards…et des jugements.
Quand je rentrais chez moi, le pas de la porte à peine franchi, je pouvais redevenir enfin moi-même.
Plus besoin de faire semblant.
Mon mari était le seul à me voir telle que j’étais vraiment.
Lui seul me comprenait et m’acceptait.
Avec lui je pouvais aussi bien me mettre à rire qu’à pleurer, à sourire qu’à rester impassible.

Le premier jour de chaque cycle était le pire.
Fallait même pas tenter d’approche, je voulais juste évacuer ma peine, seule et/ou avec mon conjoint.
C’était comme ça que je fonctionnais.
Tel un phénix, je renaissais ensuite de mes cendres.
Après avoir été au fond du gouffre je relevais la tête, plus forte et déterminée que jamais.
J’étais embarquée dans des montagnes russes émotionnelles, je passais de l’espoir, la joie, l’euphorie même, à la tristesse et dureté de l’échec, encore une fois, et à l’apparition de mon «dark side», la partie sombre de moi même.
De ce parcours je me suis révélée être une warrior, une combattante, une femme qui ne lâche rien tant qu’elle croit à ses rêves.

Je parlerai peut-être un jour de mon histoire d’infertile plus en détails (dans la limite du raisonnable), de mon ressenti de cette douleur psychologique et physique. L’attente, l’incompréhension, les revers de la PMA… Il y a tant à dire!
Je me suis tellement tue et j’ai tellement souffert de vivre avec ce tabou que c’est comme si je voulais rattraper ce mal-là.

Aujourd’hui je voulais juste dire que je me suis re-sociabilisée.
Et que j’aime ça!

Je reprends plaisir à voir du monde, à papoter de tout et de rien, avec légèreté, à découvrir de nouvelles personnes sans crainte, sans avoir à faire semblant.
Je n’hésite plus, je ne réfléchis plus.
Je revis.

Et cette fois mon sourire est réel, il ne cache rien.
Ou presque rien.
Nous avons tous nos secrets, notre histoire.
Je ne suis pas une femme guérie de tous mes maux, certes, mais en tout cas je vais mieux et, bordel, ça fait du bien…

4 commentaires sur “Le jour où j’ai réappris à vivre

  1. Magnifique texte et qui exprime si bien toutes les ressentis…. tu verras mon Annael ces souvenirs s estomperont doucement ( jamais totalement !) kiffe un maximum cet anniversaire de bonheur et embrasse fort fort ta merveille et ton mari . Je t’envoie toute mon immense affection

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    1. Mille mercis pour ce message si touchant… ! Je sais comme tu me comprends à ce sujet. Oui, certains souvenirs paraissent moins douloureux mais toujours là. C’est un combat qu’on ne peut pas oublier, malgré le bonheur à la clé ! Je suis contente que tu me lises et que tu me laisses un commentaire. J’y suis très sensible. Je t’embrasse fort et merci pour tes mots

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  2. Bonjour Anaëlle, je suis très touchée par vous textes. Je suis entrain de tous les lire tellement votre histoire me fait y croire. Je suis pas encore suivi par la PMA mais j’attend un fameux questionnaire pour remplir avec gygy et après le renvoyer pour passer en commission et avoir enfin un rdv pour savoir les suites.
    Vous parlez qu’un jour vous Ecrivez sur votre parcours , ça sera bientôt ? J’aurai aimé le connaitre.
    Je continuerai à vous suivre, vous êtes un vrai exemple.
    Bonne journée

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    1. Bonjour et merci, un immense merci, pour votre message ! Je suis extrêmement touchée. Vous ne savez pas à quel point cela me fait plaisir de savoir que je vous donne de l’espoir. Je vous souhaite de parvenir rapidement à réaliser votre rêve de devenir mère. En attendant, vous pouvez évidemment continuer à me lire et à vous confier à moi. En ce qui concerne mon parcours pour avoir mon fils, j’en parle finalement dans beaucoup de mes textes mais c’est l’article « Un parcours semé d’embûches » qui le détaille peut être un peu plus. N’hésitez pas à venir me parler en privé si vous le souhaitez également. Merci encore de votre commentaire et courage à vous…

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