Des rêves plein la tête

Elles doivent avoir environ 15 ans, et l’avenir devant elles.
Elles sont pétillantes et pleines de vie, et surtout de rêves.
Je les observe du coin de l’oeil, avec le sourire.
« J’aaadooore les enfants ! », dit l’une d’elles. « Je rêve de travailler en école maternelle. D’ailleurs, je veux plein d’enfants, j’en voudrais 12 !! »

De la nostalgie et de la sagesse s’emparent alors de moi.
À leur jeune âge, on est bien loin de s’imaginer qu’enfanter peut s’avérer difficile…

Pleine de bienveillance et forte de mon vécu, je les écoute parler et me retrouve alors projetée plus de 15 ans en arrière, des étoiles dans les yeux…

Je les entends discuter et cette conversation m’interpelle.
Celle qui dit rêver d’une famille nombreuse indique, sûre d’elle, que ce ne sont pas les enfants qui sont difficiles à gérer à l’école, mais bien les parents !
J’ai trouvé son analyse très juste.
Et ce que lui répond alors sa copine me touche également : « Oui, mais c’est normal en même temps, ils laissent leur enfant pour la première fois vraiment, c’est difficile ».
Elles ont en effet déjà compris tant de choses…
Elles me surprennent par leur maturité, et en même temps me touchent par leur insouciance.

Cette légèreté dans leur attitude est d’ailleurs belle à voir.
Elle fait du bien à mon coeur de femme et de maman.

Elle me ramène des années plus tôt, avec mes rêves à moi plein la tête…

Une famille nombreuse.
C’est évident: j’aurai une grande famille ! J’aime tellement les enfants, j’en voudrais 4 !
2 garçons, 2 filles, comme ont fait mes parents, ce serait l’idéal !

Ahhh, une fille…
Je pourrais enfin remplir mon rôle maternant comme il se doit et combler le manque d’une petite soeur.
Car étant la dernière de la famille, je n’ai jamais pu être celle qui s’amuse à maquiller, coiffer, chouchouter, celle à qui on pique les robes et les chaussures, et celle qui console des chagrins d’amour…

Et puis, je la vois elle.
Elle semble toute fragile et forte à la fois.
Elle se met à l’écart. Je la vois donc seule dans son coin, tandis que ses camarades sont attroupées.
Je lui propose la place qui est à mes côtés, mais elle ne souhaite pas s’assoir.
Je les vois ensuite descendre du tramway et encore une fois tout le monde se rassemble en petits groupes. Sauf elle.
Dans son attitude et son éloquence, observées plus tôt, elle semble pourtant bien dans sa peau. Mais en la voyant de côté, c’est mon coeur de jeune fille cette fois qui est touché.

Mes souvenirs remontent alors à la surface. Ceux d’une enfant tellement sensible qu’elle en devient fragile, ceux d’une enfant naïve et manquant cruellement de confiance en elle. Ceux d’une enfant aux traumatismes insoupçonnés.

Je ne peux pas raconter ici tout mon vécu d’enfant, et je ne le ferai d’ailleurs probablement jamais.
Mais ce que je peux dire, c’est que certains de ces souvenirs me hantent parfois encore et que ma force me rattrape et me sauve de ces fantômes du passé.

La petite fille fragile n’est donc plus.
Je suis devenue, malgré ma douceur et mon apparence de femme-enfant, une femme forte.
Je n’ai en revanche rien perdu de ma sensibilité. Elle s’est même exacerbée !
Mais plus jamais celle-ci ne me freinera.
Au contraire, elle est mon moteur.

Alors voilà, je repense à ce que j’étais toute petite, puis jeune fille, puis jeune femme et je réalise à quel point il est beau et même vital de croire en ses rêves les plus fous.

Mes rêves à moi ne sont plus dans ma tête.
Ils vivent auprès de moi chaque jour. Ils sont mon quotidien.
Je ne savais pas alors quand j’avais 15 ans que mon bonheur ne signifiait pas d’avoir 4 enfants, mais de connaître le sens du mot miracle, tout simplement…

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